Des probabilités dans Catane

Le jeu de société Catane offre une bonne occasion d’aborder la somme de deux dés…

Le 7 n’est pas présent sur le plateau (il est lié aux voleurs dans le jeu)… De quoi prolonger en demandant aux élèves si l’activation des élèves est plus probable que le reste…

Raisonner au cycle 4

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La compétence RAISONNER est une compétence centrale en mathématiques mais complexe à travailler pour deux raisons essentielles liées entre elles : ses mises en oeuvre ne se donnent pas facilement à voir chez les élèves et il est illusoire de penser une progression uniforme de son enseignement. Elle s’acquiert, comme bon nombre de connaissances, dans une construction personnelle… mais c’est peut être encore plus vrai pour le “raisonnement” qui ne relève ni de connaissances déclaratives, ni de procédures standardisées.

Je vous propose un détour par mes réflexions sur ce sujet.

Quelques constats

Commençons par quelques constats.

A titre personnel, j’ai pu régulièrement observer des difficultés chez les élèves à anticiper des « stratégies », à faire la différence entre une preuve, une succession d’exemples ou un contre-exemple. A l’inverse, une bonne part des élèves parvient, durant le cycle 4, à utiliser un raisonnement déductif à une étape dans une situation familière.

Par ailleurs, lorsqu’on observe les cahiers ou copies d’élèves, on y trouve des tâches où ils raisonnent mais rarement de points explicites sur “comment ils raisonnent, comment on raisonne, quelles stratégies sont utilisées ?”.

Des constats ont également été établis de manière plus étayée. Arrêtons nous d’abord sur les résultats CEDRE 2014 en mathématiques à la fin du collège.

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Les aptitudes liées au raisonnement sont globalement maitrisées par les élèves des groupes les plus “forts”. C’est particulièrement le cas pour les raisonnements structurés et, dans une moindre mesure, pour les raisonnements à deux étapes, l’utilisation de contre-exemples ou la restitution d’un raisonnement dans une démonstration écrite (qui déborde déjà la compétence RAISONNER à proprement parlé). L’aptitude la plus “abordable” semble bien être la production d’un raisonnement déductif à une étape, maîtrisée en groupe 3.

En début de collège, un constat de 2002 n’indique pas de difficulté marquée sur l’analyse d’une situation et la production d’une démarche par rapport aux autres items testés. La restitution pose, quant à elle, davantage problème :

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L’évaluation TIMSS est par ailleurs intéressante quand on la regarde à deux instants de la scolarité.
Ici, en fin de CM1, on s’aperçoit que les élèves français sont au dessus de la moyenne des pays testés en ce qui concerne le raisonnement… (ils sont dans la moyenne pour ce qui est de l’application et en-dessous pour les connaissances) :

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La même année, une telle comparaison existe concernant notre “élite” scientifique. En Terminale S, les élèves français sont désormais tout juste à la moyenne des pays testés ! (Ils sont passés au dessus concernant les connaissances et sont très loin concernant les tâches d’application).

Raisonner : un iceberg

Une fois ces constats posés, il peut être intéressant de nous attarder sur ce qu’est précisément cette activité décrite par le verbe “raisonner”.

Raisonner, c’est “produire des inférences, c’est à dire une opération mentale par laquelle on accepte qu’une proposition soit vraie en vertu de sa liaison avec d’autres propositions. Quand on raisonne, on fait du lien. « Le sujet humain possède une capacité remarquable : celle d’élaborer, à partir d’informations primitives sur l’état de son environnement (présent ou hypothétique), d’autres informations sur l’état de ce même environnement par des activités totalement intériorisées” (Politzer, 1990).

Raisonner est donc, par essence, une activité invisible ! Il s’agit d’opérations mentales. De ce fait, nous ne voyons que des manifestations de cette activité via des explications, des justifications ou des démonstrations. Il n’est d’ailleurs pas certain que la communication réalisée par cette activité mentale rende réellement compte de la réalité de cette activité (en réalité, on est même certain du contraire).

La situation pourrait être représentée par un iceberg. La partie émergée représente ces marques visibles qui ne rendent souvent pas compte du raisonnement réel, le raisonnement étant la partie immergée. Certes, démontrer, justifier, expliquer amène à raisonner de nouveau mais le coeur du raisonnement est bien propre à chacun.

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Expliciter pour donner à voir le raisonnement

A la frontière entre les deux parties de l’Iceberg se niche donc l’explicitation et la metacognition, consistant à faire verbaliser les stratégies et donc le raisonnement. Sans ce travail d’explicitation, il est difficile pour l’enseignant d’agir réellement sur l’activité de raisonnement de l’élève. Cette étape apparait donc indispensable.

Ce qu’il est important de savoir c’est que « notre activité inférentielle est […] très sectorisée et très contextualisée, c’est à dire fortement liée aux données particulières que nous avons à traiter et à l’expérience pragmatique que nous en avons” (Houdebine, 1998). Plusieurs conséquences découlent de ce constat :

→ Elaborer une progression exhaustive sur l’enseignement de la compétence RAISONNER est illusoire.

→ Elle se construit à chaque heure de cours à travers l’ensemble des activités mathématiques sur les différents thèmes du programme.

→ Ce développement de la compétence raisonner ne peut d’ailleurs être déconnecté de cette grande diversité de situations et de contextes.

Différents types de raisonnement

Un des pièges, c’est que dans l’activité mathématique, nous avons l’habitude de produire des écrits mais il est rare qu’ils permettent d’expliciter (les narrations de recherche en sont un contre-exemple).

Différents types de raisonnements existent en mathématiques. Parmi les plus connus, on peut citer :

  • Le raisonnement déductif (déduction, disjonction de cas, raisonnement par l’absurde…)
  • le raisonnement inductif : généraliser une propriété observée sur des cas particuliers
  • le raisonnement abductif (ou chaînage arrière) : présumer une cause plausible d’un résultat observé, pour démontrer que B est vraie, sachant que (A implique B) est vraie, on va démontrer que A est vraie.

Pour autant, la norme la plus courante est de produire des textes mathématiques déductifs, même si les raisonnements ont pu être abductifs ou en partie inductifs lors de la phase de recherche préalable à la rédaction. On donne rarement à voir cette activité inférentielle préalable.

Des pistes d’action ?

Une fois posés ces éléments, je vous propose quelques pistes de réflexions pour l’action afin de travailler cette compétence RAISONNER au cycle 4 (je les developpe dans l’ouvrage Enseigner les mathématiques au cycle 4, Méthodes et outils, Canopé éditions)

→ Travailler autour de temps forts dont le développement de la compétence RAISONNER est clairement ciblé comme l’objectif central. Il ne s’agit pas de proposer des travaux hors contexte mais bien d’envisager des situations diverses.

→ Sur ces temps, prévoir des moments de feedback pour que l’élève puis les enseignants puissent expliciter les opérations mentales mises en jeu (c’est à dire le coeur de ce qu’est raisonner). Prendre le temps de s’arrêter et se regarder pédaler. Cela peut, par exemple, passer par des écrits réflexifs.

→ S’appuyer tout au long du cycle sur les acquis des élèves pour réguler nos approches mais aussi envisager la différenciation nécessaire : quels points de blocage ? Quels éléments déclencheurs pour l’action de l’équipe d’enseignants ? Quelles stratégies mises en œuvre par les élèves ? Quelles erreurs à exploiter ?

→ Toujours clairement distinguer ce qui est prouvé et ce qui ne l’est pas.

→ Etre clair sur le différents statuts des énoncés : définition, propriété…

→ Distinguer la forme et le fond. La raisonnement concernant avant tout le fond.

Une “progression” pour la compétences raisonner ?

J’ai tenté de réfléchir à une “progression” autour de cette compétence déclinée en 4 sous items dans le programme de mathématiques du cycle 4 :

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La progression mise en oeuvre se décline autour de 2 axes :

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A partir de là, j’ai décliné des attendus pour chacun des 4 sous-items de la compétence “RAISONNER” du programme en tenant de les classer par “difficulté” :

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Ensuite, j’ai tenté de décliner des activités possibles au fil du cycle 4, comme autant de temps forts possibles autour de la compétence RAISONNER :

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Bien sûr, à chaque heure de cours de mathématiques, tous les élèves devraient théoriquement raisonner. Mais il s’agit ici de penser des activités durant lesquelles on accepter de s’arrêter et de se regarder pédaler (raisonner). On explicite, on partage et on compare des stratégies, on met des mots sur les choses pour qu’elles se conceptualisent.

Un exemple

Pour terminer, je vous partage un travail réalisé avec une classe de 5e pour lequel nous avons pris le temps de cibler le raisonnement.


Le problème est inspiré d’un document d’accompagnement :

Peut-on écrire 2016 comme somme de 4 nombres entiers consécutifs ? Et 2018 ? Y a-t-il une règle mathématique autour de ce problème ?

Voici quelques extraits de travaux d’élèves, ils sont réalisés avec des alternances entre phases individuelles, phases collectives et phases en groupe :

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A la fin du travail, je leur propose cette fiche individuelle pour prendre le temps de s’attarder sur ce qui a été travaillé concernant la compétence RAISONNER :

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Cela permet de refaire le point et de garder trace sur le “temps fort” que nous venons de travailler tout en permettant un recul réflexif individuel.

Bibiliographie

Houdebine, J. (1998). La démonstration, écrire des mathématiques au collège et au lycée, Paris : Hachette.

Obert, M.C., Wantiez, O. (dir.) (2017). Enseigner les mathématiques au cycle 4, méthodes et outils. Futuroscope : Canopé éditions.

Politzer, G. (1990). Immediate deduction between quantified sentences. In K. J.Gilhooly, M. T. G. Keane, R. H. Logie, & G. Erdos (Eds.), Lines of Thinking : reflections on the Psychology of Thought. Vol. 1. Chichester : John Wiley.

Coopération entre élèves : ce que disent les textes officiels

La coopération entre élèves fait l’objet de prescriptions institutionnelles que nous avons souhaitées recenser. Pour cela, nous avons étudié le texte du socle commun de compétences, de connaissances et de culture, ainsi que l’ensemble des programmes du cycle 4 dans les différentes disciplines.
La recension ci-dessous a été réalisée à partir des occurrences suivantes : coopérer / coopératif / coopérative / collaboration / collaboratif / collaborative / groupe / collectif / collective / collectivement.
Nous avons exclu certaines apparitions de ces termes lorsqu’elles ne correspondaient pas à de la coopération entre élèves (exemple : « groupes nominaux »). Les termes « collectif », « collective », « collectivement » ont pu apparaître pour caractériser des activités de coopération mais aussi des modalités d’enseignement en classe entière. Nous avons tenté de ne retenir que la première catégorie.
Une distinction est opérée entre ce qui relève des attentes des programmes ou du socle et les exemples proposés, qui ne sont pas des prescriptions au sens « administratif », mais qui peuvent agir comme telles pour les enseignants.

Cette recension montre qu’il existe une prescription de la coopération entre élèves. Elle semble être de deux ordres :
– la coopération comme moyen d’apprendre
– la coopération comme objectif d’apprentissage.

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Sortie officielle de “Osez les pédagogies coopératives au collège et au lycée”

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Il y a quelques années, nous lancions, avec quelques collègues, un projet de classe coopérative. Nous n’avions pas imaginé l’impact que tout cela allait prendre. Aujourd’hui, les classes coopératives proposent un parcours complet de la 6e à la 3e et nous avons le sentiment (et de nombreux éléments tangibles) d’avoir fait évoluer positivement les choses.
Ce projet nous a amené là où nous ne pensions jamais aller à bien des égards. Parmi ces évènements improbables, celui d’aujourd’hui tient une place particulière : la sortie d’un livre chez ESF Sciences Humaines que nous sommes fiers de vous annoncer aujourd’hui.

Pourquoi ce livre ?

Pour trois raisons.
La première, c’est que les pédagogies coopératives ont une histoire forte et ancienne dans le premier degré, beaucoup moins dans le second. Il existe de nombreuses ressources formidables pour mettre en place des classes coopératives à l’école (en ce sens le livre de Sylvain Connac  Apprendre avec les pédagogies coopératives (ESF, 2009)  reste un ouvrage qui restera fondamental mais nous pouvons aussi citer les travaux de l’ICEM…). C’est plus complexe pour le collège et le lycée. Il en existe mais elles sont plus marginales. Lorsque nous avons monté et ajusté notre projet, nous avons la plupart du temps adapté des outils et des techniques pensées pour l’école primaire. Questionner dans un ouvrage ces adaptations et faire le point sur ce que pouvaient être des classes coopératives dans le second degré nous paraissait intéressant.
La deuxième raison, c’est que nous recevions énormément (et de plus en plus) de questions sur la mise en place de classes coopératives au collège, au lycée (général et technologique comme professionnel) à travers des formations que nous animons, de nombreuses visites au collège ou tout simplement par les différents réseaux numériques. S’il nous est parfois difficile de répondre à tout, ce qui nous paraissait le plus frustrant, c’est que nous répondions souvent sur un élément ponctuel du projet. On nous questionnait, par exemple, sur l’usage du plan de travail ou sur la mise en place d’un conseil coopératif… et nous y répondions… Mais nous avions le sentiment de répondre « par le petit bout de la lorgnette » en ne donnant à voir qu’une petite partie d’un système beaucoup plus global que nous mettions en place. Alors comment faire comprendre la complétude d’une classe coopérative et la complexité de sa mise en œuvre autrement qu’en prenant le temps de l’écrire ? Lorsque nous avons commencé à le faire, nous avons vite compris que cela allait rapidement dépasser le simple document…
La troisième raison est purement égoïste puisqu’écrire ce livre, nous a permis de faire le point sur nos classes coopératives (dont la mise en œuvre est en perpétuelle évolution), une sorte de photographie après plusieurs années de travail. L’écriture est un puissant outil réflexif et cet ouvrage nous a clairement fait avancer.

Qu’est-ce qu’on y trouve ?

Le livre prend fortement appui sur notre expérience de classes coopératives au collège. Nous voulions vraiment retranscrire l’approche globale que nous essayons de mettre en place et rendre ce livre concret et parlant pour une équipe qui se lance. Pour autant, cet ouvrage n’est pas une monographie. Nous avons essayé d’interroger ce que nous faisions en convoquant des apports conceptuels et des résultats de la recherche. Des témoignages, des outils ou des démarches que d’autres enseignants ou équipes mettent en place viennent enrichir le livre pour donner à la fois des pistes variées mais pour montrer que des intentions proches peuvent donner des outils différents. Et que c’est à chacun de construire son propre écosystème « classe coopérative ». Notre souhait était d’alterner éléments « contextuels » et « théoriques », mise en œuvre pratique (avec la présence de nombreux outils disponibles en téléchargement), réflexion et témoignages (adultes comme élèves).
Un des avantages des classes coopératives, c’est qu’elles envisagent l’approche pédagogique comme un système. En ce sens, décliner leur fonctionnement, c’est aborder de nombreuses thématiques qui préoccupent les enseignants : l’hétérogénéité, le climat scolaire, l’évaluation, la motivation, le travail de groupe… De fait, il est possible de trouver dans le livre des éléments ponctuels pour chacune de ces thématiques mais aussi d’envisager une approche plus systémique.
Enfin, le travail collectif est à la fois un fil rouge et un chapitre à part entière. C’est probablement une spécificité forte des pédagogies coopératives au collège et au lycée : elles nécessitent de penser une cohérence globale entre intentions partagées, déclinaisons personnelles et compromis nécessaires.

C’est donc une vraie fierté, en ce jour de sortie en librairie, de vous présenter ce livre, qui, nous l’espérons, sera utile à de nombreux enseignants (et pas que d’ailleurs). Cela a été un vrai plaisir de travailler avec Philippe Meirieu et l’équipe d’ESF Sciences Humaines qui nous ont poussé à être plus exigeants dans notre travail avec beaucoup de bienveillance et de liberté. Cerise sur le gâteau, Jean-Paul Delahaye nous a fait l’honneur de signer la préface et Sylvain Connac la postface : deux grand monsieur de la démocratisation de l’école.

Pour commander le livre cliquez ici

JEU : Le carré arithmétique

Voici un jeu permettant de travailler sur des notions telles que multiples, diviseurs, nombres premiers.

Il est composé d’une quarantaine de cartes “nombre”, de 3 cartes “propriété” et d’un plateau sur lequel se trouve un carré de 3 cases par 3 cases.
Les cartes nombres sont des nombres entiers compris entre 1 et 13.

Le plateau :

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Règle du jeu :

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A l’issue du jeu, où on aura joué 3 parties avec les 3 cartes “propriété”, les élèves peuvent compléter cette fiche pour faire le lien entre le jeu et les notions mises en jeu. La mise en lumière des stratégies peut aussi permettre de developper la compétence raisonner. Le fait de voir les cartes des adversaires doit permettre aux joueurs d’anticiper. S’il ne ramasse pas de cartes, il peut faire en sorte d’empêcher le suivant d’en ramasser aussi.

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Cette phase d’analyse a posteriori est intéressante. Au delà du rappel des définitions, on peut, par exemple, tenter d’écrire les nombres premiers comme somme de trois nombres disponibles dans les cartes.

Variantes possibles : D’autres cartes propriété peuvent être ajoutées selon les notions que l’on souhaite travailler.

Ca jargonne chez les pédagos ?

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Il y a des affirmations qu’on assène comme des vérités qu’il serait incongru de discuter. Des petites sorties qui permettent même de bien paraître dans une discussion entre amis, entre collègues… Derrière l’indéboulonnable « c’était mieux avant » et ses variantes (« franchement c’est plus ce que c’était », « de mon temps… »), on en trouve légion en ce qui concerne l’éducation.
Les salles des profs n’échappent pas à ces petites sorties et ces petits mythes qu’il est de bon ton de sortir pour briller dans la conversation. Dès le début de carrière, la critique de l’ESPE (ou de l’IUFM) est indispensable (au risque qu’on vous regarde comme un illuminé) et peut facilement se comprendre. L’entrée dans le métier est le temps de la remise en cause des représentations d’un métier idéalisé au sein d’une école où se joue aussi une titularisation parfois stressante et où il faut aussi se « socialiser » professionnellement. Difficile alors d’échapper aux discours dominants.

D’injonctions en légendes urbaines

Une des affirmations qui revient le plus, c’est le « jargon » sur lequel il est de bon ton d’ironiser. C’est vrai, l’éducation nationale raffole des sigles en tout genre (mais ce n’est pas la seule « institution » dans ce cas, publique comme privé). Derrière l’ironie des enseignants qui les dénoncent, on peut probablement y voir les prescriptions qui s’y greffent. Pour beaucoup de collègues, un nouveau sigle est une nouvelle commande de l’institution… une « paperasserie » de plus ou une tâche qui s’ajoute. Logique alors de susciter la défiance… et très vite la moquerie.
Il est aussi souvent question de quelques expressions que l’on s’amuse à répéter pour jeter la suspicion globale sur les sciences de l’éducation. Prenons l’exemple du fameux « référentiel bondissant » dont tous les enseignants de France ont déjà parlé entre eux en se gaussant. Luc Cédelle y a consacré un article « évolutif » qui montre qu’on est plus proche d’une légende urbaine que d’un usage massif ou institutionnel.
Le terme « apprenant » est aussi souvent moqué… Je dois avouer que je l’utilise… avant tout pour éviter des répétitions du mot « élève » qui, on le comprendra facilement, revient un peu trop souvent lorsqu’on écrit sur le métier (ce qui est assez peu courant chez les profs). L’idée d’un vocable « pédant » est donc loin.
Nous avons aussi connu récemment une « polémique » plus « grand public » sur certains termes des nouveaux programmes (dont on peut toujours se demander s’ils sont un document professionnel à destination des enseignants ou un document à public plus large). Maladresse dans l’utilisation de certaines expressions ? Aubaine pour les réactionnaires qui y voient une occasion d’étaler leurs thèses passéistes ? Peu importe… La question était finalement secondaire.

Jargonner pour masquer du vide ?

Ce qui est beaucoup plus gênant, ce sont les attaques formulées à l’encontre des « pédagos » (taxés au passage de « pédagogistes »). Les « pédagos » s’amuseraient donc à jargonner. Si la critique est parfois bienveillante et relève plus d’un manque d’intérêt (ou d’une petite part de vérité), elle peut parfois être particulièrement violente… certains allant même jusqu’à les accuser de jargonner autour de concepts fumeux, inexistants pour justifier leur « petite place » de formateur, de conseiller pédagogique, de chercheur en science de l’éducation (ou en science du travail, en sociologie etc).

Voilà donc un métier qui ne pourrait pas avoir son propre langage professionnel ? Il faut dire que pour certains, « enseignant » n’est pas vraiment un métier qui s’apprend en dehors de la sphère des connaissances à transmettre. Certains acceptent assez bien l’idée des didactiques disciplinaires (qui ont aussi leurs propres jargons) mais beaucoup moins la pédagogie. Bref, il faudrait se contenter du « bon sens » et donc bien se garder d’entrer trop dans le détail lorsqu’on « parle travail ».

En réalité, c’est en refusant un « jargon » qu’on favorise les concepts « fumeux » et flous. Le langage permet d’entrer dans la précision et la complexité du métier. Il s’agit de mieux le décrire pour mieux le comprendre, mieux en parler pour le transformer subtilement en évitant les caricatures grossières qui généralisent et englobent. Distinguer « individualisation » de « personnalisation », ce n’est pas jargonner pour se faire plaisir, c’est bien qu’il y a des nuances qui expliquent des pratiques ou peuvent orienter/modifier des pratiques. C’est vrai pour une multitude de choses dans notre sphère professionnelle.

Conscientiser les pratiques

Certains s’interrogent parfois sur l’intérêt de créer des concepts autour des apprentissages ou autour des pratiques professionnelles et donc l’utilisation d’un jargon qui va avec. Il est même fréquent lorsqu’on les évoque d’entendre « on fait déjà sans le dire ». Peut être… ou peut être pas… En tout cas, il y a aussi une nécessité de conscientiser certaines pratiques et certaines situations d’apprentissage pour mieux les analyser (collectivement ou personnellement).
Lorsque Dominique Bucheton utilise son multi agenda pour décrire des situations professionnelles, on pourrait l’accuser de jargonner. Pourtant son approche offre des clés de lecture susceptibles de progresser professionnellement.
Prendre conscience, catégoriser, expliquer par un langage en nuances est une clé importante pour mieux comprendre l’activité : ce qu’on fait, ce qu’on renonce ou se refuse à faire, ce qu’on pourrait songer à faire, ce à quoi on n’ aurait pas forcément pensé, ce qu’on pourrait faire évoluer.
C’est peut être d’ailleurs tout cela que certains refusent ? Ou est-ce une sorte de défense face à ce qu’on ne connaît pas ? Il est toujours facile, lorsqu’on ne maîtrise pas un domaine, d’ironiser sur ceux qui connaissent en rejetant la légitimité de ce qu’ils manipulent (et les sciences humaines sont souvent ciblées) mais ça ne fait pas beaucoup avancer. En caricaturant quelque peu, on pourrait facilement ironiser sur la grammaire qui n’est qu’un méta-langage autour d’une langue qu’on manipule « inconsciemment » la plupart du temps. La grammaire sert en fait à conscientiser la manipulation de la langue pour mieux l’utiliser. Il en va probablement pareil de certains concepts en littérature.

Ce qu’on appelle jargon est souvent un méta-langage que l’on ne maîtrise pas. Je pourrais facilement dire que les passionnés de mécanique ou les spécialistes d’un sport jargonnent. Il y a derrière ce réflexe ce qui m’apparaît parfois comme une forme de mépris. Le problème c’est que notre profession a besoin d’un langage partagé pour progresser. Le déficit de formation, les malentendus originels sur le métier et son évolution, le manque de prise au sérieux de la pédagogie, des sciences du travail, de la psychologie cognitive… sont autant d’obstacles à cela.
L’accusation de jargon (certains trouveront peut-être que j’ai jargonné dans ce billet) est un symptôme d’un manque de professionnalité (je n’ai pas dit professionnalisme…) dans l’éducation en France. C’est un vrai chantier à ouvrir…

Pourquoi faut-il se méfier du pilotage par les preuves ?

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Piloter par « les preuves », utiliser « l’evidence based practice », s’appuyer sur « LA science »… il est de bon ton d’utiliser ces expressions ces derniers temps, y compris au plus au niveau.

De quoi s’agit-il ?

On peut voir les choses selon trois angles de vue :

Angle 1 : appliquer des méthodes qui ont fait leurs preuves, validées par des tests et les reproduire. C’est l’approche « evidence based practice », inspirée des essais dans le domaine médical.

Angle 2 : S’appuyer, par exemple (tout à fait au hasard) sur les neurosciences, donc un champ scientifique ciblé pour prescrire.

Angle 3 : piloter (évaluer ?) en fonction des résultats obtenus à des évaluations nationales et ajuster jusqu’à tendre vers « LA bonne pratique ».

Quelque soit l’angle, il y a une même idée : trouver la méthode efficace validée « scientifiquement » afin de la prescrire et la reproduire.
A priori, tout cela peut sembler relever du bon sens (souvent de mauvais conseil sur de nombreux sujets). Après tout, pourquoi se méfier de quelque chose qui aurait fait ses preuves avec un protocole sérieux pour le valider ?

 
Ignorer les contextes ?

Enseignant est un métier de l’humain. La sociologie du travail le classe dans les « métiers de service », François Dubet comme un « travail sur autrui », qui, comme le rappelle Anne Barrère dans son excellent ouvrage Au cœur des malaises enseignants (Armand Collin, 2017) a pour objectif « de vouloir opérer une transformation en profondeur et dans la durée de l’état de quelqu’un. Cette transformation suppose aussi une forte coopération de sa part ».
Le métier est donc profondément lié au contexte d’exercice : le lieu, le temps, les groupes, les relations qui s’instaurent…
Nous n’agissons pas sur un modèle Tayloriste où il suffirait de prescrire une pratique efficace qui fonctionnerait dans n’importe quel contexte avec n’importe quelle personne (prof comme élèves). Ce serait d’ailleurs une bien triste vision du métier qui nous ferait passer au rang de simples exécutants. Chaque enseignant invente et adapte les prescriptions qui lui sont faites. Le travail est fait de cet écart entre prescription et réalité, c’est particulièrement vrai dans notre métier.
Prétendre irriguer les salles de classes de pratiques testées et validées que l’on appliquerait clé en main est un non sens. C’est pourtant ce que certains courants prétendent (on pense par exemple à la Direct Instruction qui prescrit pas à pas ce que l’enseignant doit faire, comme des modes d’emploi que nous aurions à suivre ou un certain courant de la pédagogie explicite), en se targuant d’être LA pédagogie efficace, occultant totalement les contextes. Ce serait aussi penser que ce qui fonctionne pour une majorité (ou une moyenne ?) d’élèves fonctionne nécessairement pour tous…

LA science ou des sciences ?

S’appuyer sur la science était une des premières annonces du nouveau ministre de l’éducation nationale. Voir un ministre vouloir s’appuyer sur la recherche peut être un signe intéressant. C’est en réalité ce qu’il s’est en partie passé les dernières années… et ce n’est pas vraiment ce que Jean Michel Blanquer a dans la tête. Lorsqu’il prétend s’appuyer sur la science, il faut comprendre son penchant marqué pour les neurosciences. Là encore, je n’ai rien contre les neurosciences qui nous fournissent des apports éclairants mais elles ne sont qu’une discipline qui étudie notre métier sous un angle, forcément partiel (sans oublier quelques mythes qui gravitent en parallèle). Nous l’avons dit précédemment, nous exerçons un travail sur autrui où l’aspect relationnel est fort. Les neurosciences peuvent-elles, à elles seules, expliquer la complexité de notre travail ? Clairement non… au même titre que d’autres disciplines de la recherche. Selon que l’on se place du point de vue de la psychologie, de la psychologie cognitive, de la didactique de telle ou telle discipline, la sociologie, les apports sont variés. Même au sein des disciplines, des controverses existent. Elles sont intéressantes pour elles même par ailleurs.
Il y a donc des sciences plutôt que LA science. Quand on évoque la recherche, il faut donc la voir comme plurielle et non nécessairement prescriptive.

S’interroger sur les conditions d’efficacité plutôt que sur la méthode

Ce qui est intéressant dans la recherche ce n’est pas tant de savoir quelle est LA méthode efficace mais plutôt de savoir à quelles conditions telles ou telles pratiques peuvent être intéressantes, quelles sont leurs limites, quels impacts selon les contextes ? Il ne s’agit pas, par exemple, de savoir qui de la pédagogie traditionnelle et de la pédagogie active est définitivement la meilleure mais s’interroger sur les conditions de mises en œuvres et de réussite de chacune ainsi que leurs limites (spécifiques et communes).
La recherche est aussi un outil pour aider à conceptualiser, non pas pour jargonner, mais pour mieux conscientiser des pratiques et mieux analyser la réalité du travail (dans son contexte).
C’est un des objectifs de la formation : faire le lien entre les pratiques et la recherche, en questionnant l’écart avec les prescriptions.
Faut-il pour autant rejeter la recherche sous prétexte qu’elle pourrait être sujet à des biais et à des angles différents ? Certainement pas. On dispose d’éléments robustes qui doivent nous éclairer dans nos pratiques, sans pour autant nous aveugler. Mais il faut faire avec ces angles et ces controverses.
C’est d’ailleurs l’objet du cycle de conférences de consensus qui a commencé sous le précédent quinquennat. Faire l’état des éléments de la recherche dans toutes leurs diversités et les confronter à un jury pluriel, acteurs sur le terrain (rappelons que les acteurs de terrain en éducation ne se limitent pas aux seuls enseignants) pour élaborer une synthèse de consensus est particulièrement intéressant.
Autre élément intéressant, les recherches qui suivent de près une action de terrain. On peut citer par exemple l’évaluation du dispositif Plus de Maîtres Que De Classe, qui est en cours… Là aussi il ne s’agit pas de dire blanc ou noir mais de regarder les conditions de l’efficacité au regard des pratiques réelles et des contextes, de ce que cela transforme dans notre métier. Rappelons au passage que ce dispositif est mis à mal par la promesse des CP à 12. Là encore, on voit bien que « s ‘appuyer sur la science » est à géométrie variable.

Piloter par les résultats ?

Autre gimmick du ministre Blanquer, le pilotage par les résultats et les évaluations. Là encore, cette idée me laisse perplexe. On se souvient du fiasco de ces évaluations nationales lorsqu’il était Directeur général de l’enseignement scolaire. Il ne se cache pas sur leur retour éventuel : « les évaluations doivent constituer un outil de pilotage et permettre par exemple d’identifier, afin d’y remédier, les faiblesses des élèves dans telle ou telle matière. Nous pourrions imaginer des évaluations en début d’année, à différents stades du parcours scolaire, afin de disposer d’une photographie des connaissances et des compétences des élèves ».
Là encore, loin de moi de rejeter l’idée d’évaluer pour ajuster nos pratiques. Ce n’est pas le seul but de l’évaluation mais pourquoi pas ? Ce qui me gêne c’est l’idée qu’elle puisse devenir objet de pilotage pour « juger » des bonnes pratiques et finir par les imposer.

J’y vois deux soucis majeurs :

– L’évaluation, dont le but principal est d’identifier la nature des difficultés des élèves, deviendrait alors, pour reprendre le terme de Charles Hadji, servile. Elle serait alors vécue comme une évaluation des enseignants eux-mêmes et des établissements. Sa fonction serait alors totalement biaisée et on imagine alors les stratégies mises en place localement pour réussir à tout prix ses évaluations.

– L’aspect très restrictif de ce qui est testé dans des évaluations à grande échelle. Qui a oublié les livrets nationaux d’évaluation ? Ils permettent clairement de tester un nombre important de capacités mais le format « devoir sur table en temps limité », conjugué avec la nécessité d’un temps de correction raisonnable limite, de fait, les possibilités. Ajoutons que tout cela cache toute une part de l’activité cognitive de l’élève, invisible sur une copie ou un livret. C’est aussi le cas de certains examens dont le côté très normatif finit par influer sur les pratiques. Qui n’a jamais entendu un prof de 3e ou de terminale renoncer à certaines pistes « parce qu’il y a le bac » (le bachotage n’est jamais bien loin). Ce qui pourrait être jugé efficace le serait alors pour des exercices normés (prévisibles ?) et purement scolaires. Un peu comme si on jugeait la réussite d’un parcours d’un collégien sur ses seules notes aux épreuves ponctuelles du DNB et qu’on orientait toutes nos pratiques en fonction de ce seul « objectif ». Là encore, cela donne des indications mais elles sont partielles et à relativiser… On sait aussi que certaines tâches scolaires n’évaluent en fait pas vraiment ce qu’elles sont censées évaluer…

Que dire aussi de l’évaluation sur des projets à plus long terme ? De la capacité à coopérer, d’avoir un usage raisonné du numérique, d’avoir un regard aiguisé sur les médias… ? Compliqué dans des formats standardisés d’évaluation.

Piloter entièrement l’école pour répondre à des tests normés ? Mauvaise idée sur le plan pédagogique… dangereuse pour notre profession et notre école publique.

Rejeter en bloc ?

Faut-il pour autant fuir à tout prix ces approches recherchant des pratiques efficaces ? Sûrement pas. Je plaide assez pour une meilleure prise en compte de la recherche pour en rejeter en bloc une partie. En réalité, c’est plutôt une certaine utilisation de la recherche qui me gêne.

Ces approches génèrent des apports intéressants et ont le mérite de nous fournir des indications. A mon sens, l’erreur, c’est de faire basculer ces indications au statut de preuves. Si j’osais une parenthèse de prof de maths, il y a clairement une différence entre une démarche empirique, aussi pertinente soit-elle, et une démonstration rigoureuse. Mais l’analogie s’arrête vite puisqu’on parle, en ce qui concerne l’éducation, de sciences humaines, il n’existe donc par définition aucune preuve irréfutable. Les apports pluriels sont intéressants. Il faut d’ailleurs souligner l’excellent travail de synthèse des dossiers de veille de l’Ifé à ce sujet. Utilisons la recherche pour faire avancer la professionalité des enseignants, leur donner les clés pour mieux comprendre leur activité (ce qu’ils font, ce qu’ils renoncent à faire, leurs dilemmes de métier) mais ne l’instrumentalisons pas en prétendant en faire des preuves de pratiques uniformément efficaces sans la questionner. C’est d’autant plus vrai que ces approches par « les preuves » concernent des secteurs restreints de la recherche.

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Ce qui a changé pour l’éducation prioritaire

Dans la refondation de l’école, celle de l’éducation prioritaire a occupé une place non négligeable. Derrière des discours de posture et des éléments de langage un peu faciles, qu’est-ce qui a vraiment bougé dans l’éducation prioritaire ?

En 5 ans, l’évolution est réelle. Elle a probablement été perçue différemment selon les personnes, selon les secteurs.

Petit tour d’horizon des changements et de ma perception personnelle. Celle d’un prof d’un collège REP+ et formateur éducation prioritaire, impliqué dans cette refondation… et donc nécessairement subjective et partielle.

Une consultation, une nouvelle carte et des réseaux

La refondation de l’éducation prioritaire a commencé par une consultation. Il est de bon ton de dire que les reformes ne partent pas du terrain, que les enseignants ne sont pas consultés. Nous l’avons pourtant été à de nombreuses reprises ces cinq dernières années. Dans l’éducation prioritaire, cela a pris la forme d’une demi-journée banalisée afin de poser le socle de la transformation.

Un changement qui a d’abord concerné la carte de l’EP, sujet hautement sensible. Redéfinir quel établissement relève ou non de l’éducation prioritaire crée nécessairement des frustrations et des déçus. La taille globale de l’éducation prioritaire a finalement peu bougé malgré une volonté de recentrer sur les zones les plus en difficulté. Ces dernières ont tout de même fait l’objet d’une attention particulière avec la création des REP+. Si la répartition entre les académies a soulevé quelques questions, les critères de détermination pour l’entrée ou non en éducation prioritaire ont été clairs (catégories socioprofessionnelles défavorisées, taux de boursier, zone urbaine sensible et taux de retard en 6e), ce qui n’a pas toujours semblé être le cas par le passé aux yeux de nombreux acteurs. Ce système a aussi parfois montré ses limites car c’est sur le collège que se détermine ce classement ou non en Rep. Les écoles de secteur entrent alors de fait dans l’EP… ou non. Des écoles particulièrement défavorisées dans un réseau qui l’est globalement moins ont pu se sentir lésées. Quelques unes se sont d’ailleurs mobilisées en ce sens.
Mais c’est aussi ça l‘éducation prioritaire, la logique de réseau. Elle était clairement moins présente et a été remise au centre à l’occasion de cette refondation. On reparle désormais clairement de Réseau d’Education Prioritaire, avec, au passage la rédaction de projets de réseau.

Un référentiel

La refondation s’est alors mise en marche. Un référentiel en a posé la colonne vertébrale pédagogique et de pilotage. Elaboré à partir de la grande consultation et des apports de la recherche, il s’articule autour de 6 grandes priorités.

Concis et clair, ce document est une vraie mine d’or pour donner un cap clair aux équipes. Sur le terrain, il est encore diversement présent et connu des équipes. Les pilotes, les formateurs, les coordonateurs de réseau (dont les missions ont été redéfinies) l’utilisent probablement davantage que les enseignants. Les projets de réseau s’en sont souvent fortement inspirés. Un site dédié a également été mis en place.

Du temps pour travailler ensemble

Un des signes forts de la refondation de l’éducation prioritaire réside dans la pondération accordée aux enseignants des REP+, premier comme second degré. Elle se traduit par 1h30 d’allégement de service en collège et 18 demi-journées dans le premier degré. Personne ne peut nier que c’est un effort considérable.

« Sans avoir vocation à se traduire par une comptabilisation, ce dispositif vise à favoriser le travail en équipe de classe ou disciplinaire, en équipe pluri-professionnelle (conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation psychologues, documentalistes, assistants d’éducation ou pédagogiques, assistants sociaux, personnels infirmiers, médecins notamment) mais également les rencontres de travail entre les deux degrés, notamment dans le cadre du conseil école-collège et des rencontres avec des partenaires. », précise la circulaire n° 2014-077 du 4-6-2014. Dans les faits, l’utilisation de ces temps est très variable sur le terrain. Ils sont parfois bien exploités avec de la formation, des temps inter degrés… D’autres fois, les personnels peuvent avoir le sentiment de se voir imposer des réunions qu’ils jugent peu utiles. Dans d’autres cas, ces temps n’existent quasiment pas, dans le second degré. Certains syndicats ont en effet jugé bon d’expliquer qu’il ne s’agissait que d’un allégement du temps de travail. Attitude paradoxale consistant à demander à corps et à cris des temps de concertation… et a appeler au boycott lorsqu’ils sont octroyés et même intégrés au service.

Le rapport de l’inspection générale de juillet 2016 relate bien ce problème : “Dans le second degré les choses se mettent en place plus lentement et il a fallu souvent plus d’une année et parfois toute la force de persuasion et de conviction des équipes de direction pour que les temps dégagés par la pondération des services soient reconnus et acceptés comme des temps institutionnalisés et non comme une “compensation à la pénibilité du travail”. Cela a clairement été une occasion ratée dans certains endroits.
Ajoutons la difficulté de faire de ces temps de vrais moments de rencontres inter-degrés. Les modalités de pondération hebdomadaires du collège et les demi-journées annualisées du premier degré venant se heurter.

De la formation

La refondation de l’éducation prioritaire passait aussi par la formation avec « au moins trois jours annuels ». La volonté d’inscrire ces formations dans le local a conduit à un effort conséquent pour constituer un vivier de formateurs spécifiques, partageant leur temps entre la classe et l’accompagnement des équipes. J’ai fait partie de ce contingent qui a pu bénéficier d’une formation nationale importante et, reconnaissons le, de très grande qualité, impliquant la Dgesco, des chercheurs et le centre Alain Savary (dont le travail pour l’éducation prioritaire a été colossal ces dernières années).

Sur le terrain, la mise en œuvre des formations a été variables selon les réseaux. Elle a aussi été en collusion avec la réforme du collège qui a largement mobilisé les personnels au niveau de la formation. La formation continue est souvent indiquée comme levier pour faire progresser le système. L’effort fait dans les REP est important et commence à porter doucement ses fruits. C’est clairement une dynamique à poursuivre.

Plus de maîtres que de classes

C’est peut être la plus grande réussite de cette refondation de l’éducation prioritaire. La mise en place de maîtres surnuméraires a été très largement saluée, tant dans l’impact sur les élèves que pour la professionnalisation des enseignants concernés. Les trois quarts de ce postes sont implantés dans l’éducation prioritaire. Un comité national de suivi est chargé d’évaluer le dispositif, un temps menacé par la mise en place des CP à 12 élèves. Une tribune, dont je suis un des signataires, circule d’ailleurs et a recueilli plus de 10 000 soutiens en une semaine.

Une prime en hausse

Pour les personnels, la prime éducation prioritaire que nous touchons a été doublée pour les REP+, augmentée de 50 % pour les REP. Dans les faits, c’est un peu plus complexe. A l’époque des ECLAIR, il existait une part modulable de cette prime que distribuait le chef d’établissement. Elle n’a donc pas doublé pour tous mais il y a eu un effort consenti sur le plan de la rémunération des enseignants de REP et REP+.

Quid de la mixité ?

C’est évidement un problème central de l’éducation prioritaire. Le manque de mixité dans certains établissements est réel. La réforme du collège a provoqué une levée de boucliers autour de ce sujet. La disparition des classes bilangues (disparition très partielle au final) favoriserait les fuites. Peut-être… si ces classes étaient pensées comme des classes « protégées » où les parents étaient certains que le « mélange » ne se fasse pas trop (voir cet article) … Fausse mixité du coup puisqu’elle était reproduite à l’interne… La mixité réelle a été tentée à Paris avec un regroupement du recrutement sur 3 collèges. La tentative a provoqué, là aussi, un tollé général.

Les mentalités sont décidément difficiles à changer.

Et les lycées ?

L’actualité de l’éducation prioritaire est aussi passée par la lutte des lycées qui ne font désormais plus partie de cette carte. Certains ont donc eu beau jeu de crier au démantèlement de l’éducation prioritaire (ce que les éléments évoqués ici contredisent largement).
Oui, il y a des lycées qui concentrent un certain nombre de difficultés, il faut le reconnaître et leur assurer les moyens nécessaires pour « compenser » . Car l’amélioration de notre système particulièrement inégalitaire passe aussi par là. Que ce chantier n’ait pas été mené en premier peut se comprendre mais les personnels sont en attente.

Et maintenant ?

En regardant dans le rétroviseur, j’ai le sentiment que les choses ont avancé dans le bon sens mais que le chantier n’en est qu’à ses débuts. Il faudra du temps pour que toute cette refondation donne sa pleine mesure et qu’elle irradie vraiment le système jusqu’aux élèves. Il y a aussi clairement des dossiers où les choses pourraient être plus abouties.

La pire des choses serait de casser la dynamique et l’investissement qui a pu être fait, sur les ressources, sur la formation des formateurs, sur la professionnalité des enseignants engagés dans le plus de maitres que de classes. A priori, il n’a pas été annoncé de politique de la terre brûlée concernant l’éducation prioritaire. La seule mesure réellement annoncée est le passage des CP à 12 élèves. C’est un effort en moyens mais cela ne peut se faire au détriment, par exemple, du plus de maîtres, qui est en cours d’évaluation. Un danger serait aussi de pratiquer une politique consistant à « exfiltrer » les bons élèves par des filières plus ou moins cachées ou de se tourner, sous couvert d’autonomie vers des « expériences » néo-reactionnaires assurant leur fond de commerce sur une école d’un passé mythifié.

Géo Qui est-ce ?

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Le Géo Qui est-ce ? est l’adaptation du célèbre jeu du commerce « Qui est-ce ? ».

Principe : Chaque joueur dispose d’un certain nombre de cartes représentant des figures de géométrie plane et dans l’espace. Les joueurs ont exactement les mêmes cartes en deux exemplaires : Un tas qui servira à piocher la figure mystère, l’autre doit être étalé face visible pour le joueur. Chaque joueur pioche une figure mystère qu’il ne doit pas montrer à son adversaire. Le but est de deviner la figure mystère de l’autre en lui posant une série de questions auxquels il ne peut répondre que par « OUI » ou « NON ». Les joueurs se posent les questions à tour de rôle. Le premier qui trouve la figure mystère de l’autre a gagné.

ATTENTION :

– il est interdit de prononcer les noms des figures indiqués sur les cartes dans les questions ! – La réponse OUI ou NON doit concerner toutes les figures portant ce nom.

Notions travaillées :

GEOMETRIE : connaissances des figures et des solides (définitions et propriétés). Selon l’exploitation faite du jeu : PROBABILITES

 

Compétences mathématiques travaillées :

RAISONNER, COMMUNIQUER

Niveau : Tout niveau collège en fonction des cartes proposées et des prolongements possibles.
Même si certaines figures ou solides n’ont pas encore été vus, on peut envisager de laisser les cartes quand même. Les élèves utiliseront une description perceptive qui pourra servir de point d’appui au moment d’étudier la figure (ou le solide) de manière plus analytique.

Plusieurs variantes du jeu permettent de graduer la difficulté ou orienter les notions travaillées :

Variation 1 : Sur les cartes
On peut proposer les cartes
– Avec seulement le nom de la figure
– Avec la figure NON codée et le nom
– Avec la figure codée en partie et le nom – Avec la figure codée SANS le nom
– Avec un codage plus complet et le nom

Guillaume Caron – Collège Lucien Vadez Calais – guillaume.caron.dk@gmail.com

Variation 2 : Les contraintes
Il est possible de donner des contraintes telles que des mots interdits (en plus du nom des figures).
Par exemple, le mot « côté » peut être interdit, si on veut inciter à travailler sur les propriétés des diagonales. On peut aussi imposer l’utilisation d’un mot dans au moins une des questions.
Par exemple, le mot « axe de symétrie » peut être intéressant à imposer.

Exploitation du jeu :

A l’issue du jeu, il est possible de faire construire aux élèves un arbre de déroulement possible des questions. Il en existe beaucoup.

Exemple :

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Faire choisir la figure mystère lors d’une nouvelle partie ajoute de la stratégie au jeu.

 

Les cartes du jeu